- Les catégories de marchandises visées
- Les exceptions et la notion de valeur ajoutée
- Les principes de la valeur en douane
Aujourd’hui, nous allons plus loin en examinant la crainte d’une double taxation. Certains entrepreneurs redoutent en effet de payer à la fois :
- Des droits au moment d’importer des marchandises américaines au Canada (dans le cadre de représailles),
- Et des droits supplémentaires lorsque ces marchandises ou leurs composantes repartent vers les États-Unis.
Revenons tout d’abord sur le pays d’origine. Pour que ce scénario puisse être considéré, deux critères doivent être rencontrés :
- Le produit importé des États-Unis est d’origine américaine et fait partie des produits assujettis aux droits de douane supplémentaires appliqués par le Canada ;
- Votre produit est déclaré d’origine canadienne et est sujet aux droits de douane supplémentaires appliqués par les États-Unis.
Le document suivant énumère la liste des produits d’origine américaine visés par une éventuelle première vague de droits supplémentaires sur les produits d’origine américaine :
Cette liste comprend de manière générale des produits qui peuvent être substitués par des produits d’origine canadienne ou autre.
Advenant une deuxième ronde de droits supplémentaires sur une gamme de produits plus étendue, le gouvernement canadien a avisé la population d’une période de 21 jours entre l’annonce de l’application des droits et la mise en vigueur. Cette période peut permettre aux entreprises de diversifier leurs sources d’approvisionnement. Advenant l’impossibilité pour l’entreprise de diversifier ses sources (produits ou composition uniques, entre autres), il est toujours possible pour cette dernière d’entrer en communication avec les instances gouvernementales afin de faire état de la situation. Par le passé, des décrets d’allégement avaient été publiés dans le but d’épargner la compétitivité des entreprises dans ce type de situation.
Finalement, pour les entreprises impactées par ces mesures et dont les produits sont voués à l’exportation, un remboursement de ces droits peut, dans certains cas, être possible grâce au programme de drawback des droits.
Le programme de drawback des droits
Le drawback est une procédure douanière internationale qui permet de récupérer tout ou partie des droits de douane versés lors de l’importation, lorsque les marchandises sont réexportées ultérieurement. Il s’applique autant aux produits non transformés qu’aux marchandises transformées ou incorporées dans un nouveau produit :
Le mémorandum D7-4-2 – Programme de drawback des droits, de l’Agence des services frontaliers du Canada résume les prérequis comme suit :
Le programme en question procure des avantages aux personnes qui :
a) importent ou importeront des marchandises au Canada, ou
b) reçoivent ou recevront des marchandises importées au Canada, et
c) exportent ou exporteront des marchandises du Canada, et
d) désirent ou désireront présenter une demande de drawback (remboursement) des droits payés.
2. Lorsque des marchandises importées sont exportées du Canada après avoir
a) subies un complément d’ouvraison, ou
b) été exhibées ou montrées au Canada, ou
c) été utilisées au Canada afin d’élaborer ou de produire au Canada des marchandises devant être exportées, et
d) été exportées sans avoir été utilisées au Canada à toutes autres fins que celles mentionnées à a), b), ou c),
Le changement de propriétaire avant la réexportation
Le changement de propriétaire fait référence à la situation où les marchandises, après avoir été importées au Canada et soumises à des droits de douane, sont revendues ou transférées à un nouvel acquéreur avant leur réexportation. Malgré ce transfert de propriété, il est souvent possible d’effectuer une demande de drawback, à condition de respecter les exigences légales et documentaires établies par l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC).
Exemple :
Étapes | Acteur | Action |
---|---|---|
1. Importation au Canada | Importateur A | Paie 10 000 $ de droits pour un certain volume de marchandises. |
2. Revente au Canada | Importateur A → Distributeur B | Transfère la propriété d’une partie du lot. |
3. Réexportation | Distributeur B | Exporte la marchandise au client basé aux États-Unis. |
4. Demande de drawback | Distributeur B | Fournit les preuves du paiement initial des droits par A, la traçabilité des marchandises, la preuve d’exportation, Formulaire K32 |
Conditions à respecter
- Certificat de renonciation
Il faut obtenir, de tous les autres demandeurs admissibles, une renonciation à leur droit de demander un drawback. Une demande n’est pas acceptée si les renonciations exigées n’accompagnent pas la demande. Le formulaire K32A transfert le droit à effectuer une demande de drawback de l’importateur à l’exportateur, tandis que le formulaire K32B transfert de l’exportateur et l’importateur. - Traçabilité des marchandises
Les factures, contrats de vente et documents douaniers (déclarations d’importation au Canada, déclarations d’exportation vers l’autre pays, etc.) doivent correspondre de manière cohérente, afin d’établir sans ambiguïté l’identité (ou l’homogénéité) des marchandises importées puis réexportées. - Respect des délais et procédures
Le programme de drawback impose un délai maximal de 4 ans entre l’importation et la réexportation. En cas de changement de propriétaire, ce dernier doit reprendre à son compte toutes les responsabilités administratives (formalités de drawback, preuves requises, etc.).
La règle du « moindre des deux droits » et les accords de libre-échange
Généralement, le drawback s’applique pleinement. Les seules limitations tiennent à la capacité de démontrer la traçabilité des marchandises et le respect des conditions douanières.
Par contre, lorsqu’un accord économique, comme l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) s’applique, le remboursement des droits payés au Canada peut se voir limité par la règle du « moindre des deux droits », lorsqu’il s’agit de matières ou produits incorporés à un produit final transformé au Canada. Cette règle compare :
- Le montant total des droits de douane payés ou devant être payés pour l’importation des produits au Canada.
- Le montant acquitté au moment de l’importation dans l’autre pays membre de l’accord (p. ex. les États-Unis ou le Mexique, dans le cadre de l’ACEUM).
Le montant du drawback ne peut dépasser la somme la plus faible entre (a) et (b).
Cas habituel dans un accord de libre-échange
Généralement, les marchandises admissibles bénéficient d’un taux de droit de douane à 0 % dans le pays importateur (États-Unis ou Mexique). Dans ce cas, (b) = 0 $.
Par conséquent, si vous avez payé des droits au Canada sur ces marchandises, vous ne pourrez bénéficier d’aucun remboursement, car le « moindre des deux » est égal à 0.
3.2. Exemple concret
Imaginons une entreprise canadienne qui importe des composants d’un pays tiers (ou même des États-Unis sous certaines surtaxes), et paie 100 $ de droits au moment de l’entrée au Canada. Ces composants sont ensuite incorporés dans un produit fini exporté aux États-Unis, pays membre de l’ACEUM :
- (a) Droits payés ou payables au Canada sur le produit ou la composante lors de l’importation : 100 $
- (b) Droits réellement payés sur le produit vendu aux États-Unis : 0 $ (grâce aux dispositions préférentielles de l’ACEUM)
Le montant de remboursement maximal de drawback serait de 0$
Exception à la règle du « moindre des deux droits »
Il faut cependant noter que la règle du « moindre des deux droits » ne s’applique pas aux produits exportés dans le même état, tel que définit dans le mémorandum D-7-4-3 – Exigences de l’ALÉNA pour les programmes de drawback des droits et d’exonération des droits :
L’ACEUM autorise le drawback total ou le report des droits de douane à l’égard des produits qui sont exportés dans le même état qu’au moment de leur importation. Les produits importés peuvent faire l’objet de certaines opérations au Canada et toujours être considérés comme exportés dans le même état.
Le cas particulier de l’ACEUM et des futurs droits américains
Dans la situation actuelle, on redoute l’imposition de droits additionnels par les États-Unis sur des marchandises canadiennes malgré l’existence de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM). L’ASFC a précisé qu’en cas d’imposition de droits de représailles sur les importations de produits d’origine américaine au Canada, un drawback demeurait possible.
Règle du moindre des droits
Reste à déterminer si les droits imposés aux États-Unis pourraient être pris en compte dans le cadre du « moindre des droits », c’est-à-dire la règle limitant le remboursement des droits au montant le plus bas entre les droits payés à l’importation au Canada et ceux aux États-Unis.
Conclusion : mythe ou réalité ?
- Mythe : Les droits imposés au Canada et aux États-Unis ne se cumulent pas toujours automatiquement. Les entreprises peuvent recourir au drawback afin d’éviter un double paiement.
- Réalité : Des situations complexes peuvent survenir en raison de la superposition de différents régimes (accord de libre-échange, règle du moindre des droits, droits de représailles).
En somme, la crainte d’une double taxation peut être atténuée par l’utilisation des drawbacks. Il ne reste qu’à obtenir des directives claires sur la prise en compte des droits imposés aux États-Unis dans le calcul. Il faut aussi prendre en considération que l’étendue de la mesure canadienne ne s’appliquerait qu’à un ensemble de produits, et non à la totalité comme sa contrepartie américaine.
Nous tenons à préciser que ce principe n’est pas propre à la situation actuelle. Les entreprises ont donc intérêt à s’y intéresser afin de valider si des sommes potentiellement sont récupérables (4 dernières années).
Dans notre prochain article, nous nous pencherons sur des stratégies concrètes pour optimiser le recours au drawback et réduire l’impact potentiel de ces droits, que ce soit en prévision ou une fois la mesure mise en place.
Jean-François Laurin, FONDATEUR ET CONSULTANT PRINCIPAL
LGC CONSULTANTS EN LOGISTIQUE